LES GRANDS ENJEUX DU MÉCÉNAT TERRITORIAL

Jacques Sizun
 

Appelées à participer activement au redressement des finances publiques, les collectivités locales ont subi 11 milliards d’euros de baisse de leur dotation depuis 2015. Dans ce contexte morose, nombreuses sont celles qui se tournent vers le mécénat. D’Orléans à Rennes, de Cannes à Poissy, de Montreuil à Clichy, les villes lancent leurs fonds de dotation, leur service mécénat ou leur propre fondation.

Perçues comme des pourvoyeurs de fonds qui soutiennent des actions sur leur territoire, ces collectivités ne souffrent-elles pas de schizophrénie à chercher des financements pour leurs activités ? Anne-Céline Delvert, à la tête du fonds pour Paris qui finance ses projets à 100% par le privé, corrobore « le mécénat permet à la ville de concentrer ses financements sur le fonctionnement, et montre qu’il encore possible d’innover, malgré le contexte ». « Le mécénat n’est pas un dévoiement des missions publiques, défend de son côté Jean-Marc Roze, adjoint délégué aux finances à la mairie de Reims, pionnière en 2010 en créant une cellule mécénat au sein de ses services. Il permet de faire un panorama du milieu économique de la ville, de réunir ceux qui veulent s’y engager, et de faire s’approprier le patrimoine par chacun et non par la seule puissance publique ». Réciproquement, le décideur rémois, en tant qu’ancien chef d’entreprise mécène, appréciait la manière dont le rayonnement du territoire retombait sur la notoriété de son entreprise

Le mécénat, en tant que processus de co-construction devient un moyen de renforcer les rapports entre les particuliers, les entreprises et le territoire. Une étude d’Admical publiée en 2016 rapporte que 40% des entreprises mécènes ont pour objectif de contribuer à l’attractivité du territoire et 81% indiquent privilégier des projets au niveau local ou régional. « Nous, entreprises, sommes légitimes pour intervenir sur notre territoire car nous participons de son attractivité », explique Damien Leclère, président de l’association Mécènes du Sud. Non seulement l’action collective s’ancre dans un processus local, mais le territoire devient l’objet de rencontres et d’engagements autour de projets communs portés et fédérés par la puissance publique, fidèle à son rôle de valorisation de l’engagement citoyen. Témoin de la volonté toujours plus forte d’engagement et d’implication des particuliers dans les décisions communes, ce bouleversement des économies locales ne doit pas faire oublier le risque que se crée un déséquilibre entre les régions.

Portées par un organe d’élus, ces structures se confrontent à la difficulté de la manœuvre politique. « La formule du fonds de dotation, structure privée, nous permet de ne pas être attaqués sur le fond politique. Son indépendance est aussi un gage de transparence sur les coûts et les dépenses. A l’inverse, les cellules de mécénat intégrées aux services municipaux ont tendance à susciter la méfiance des mécènes », poursuit Anne-Céline Delvert. Cela étant dit, cette structuration accrue ne menace-t-elle pas à terme de rendre l’action publique dépendante du financement privé 

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SARAH HUGOUNENQ.